L’heure était aux grandes discussions, hier soir au moment du repas: lundi 11 mai 2020, les écoles ont rouvert leurs portes après huit semaines d’interruption. Huit semaines entre parenthèses, un temps qui a passé si vite et si lentement à la fois. La vie au ralenti qui s’est écoulée à une vitesse folle. Huit semaines de confinement pour éviter que la vague du COVID-19 ne submerge nos infrastructures hospitalières et menace notre équilibre de société. Nous avons toutes et tous vécu cette période de manière différente. Deux mois intenses, avec du bon et du moins bon. Mais il faut regarder vers l’avant et ne garder que le meilleur… voilà donc ce dont je veux me souvenir, dans quelques années. Il y aura eu, en vrac:
- Un puissant sentiment d’hébétement, le vendredi 13 mars à 16h, lorsque j’ai récupéré des enfants déstabilisés par la nouvelle que nous venions tou.te.s d’apprendre… Une virée à la bibliothèque pour faire le plein de bouquins, une bibliothécaire qui me dit cinq minutes avant la fermeture « si vous voulez en prendre d’autres, nous serons évidemment là demain », la décision de fermer musées, bibliothèques, places de jeux, etc tombée dans la soirée… Un enchaînement d’événements qui nous dépasse et que je n’arrive plus à suivre, malgré les multiples coups d’oeil à mon téléphone et aux sites d’actualité…
- Des rayons vides dans un magasin, vus pour la première fois de ma vie, sentiment curieux de dépendance à plus gros que nous… Par la suite, nous avons pris de nouvelles habitudes pour ne plus devoir aller dans des supermarchés. Spoiler: ça marche très bien et nous nous régalons de délicieux produits!
- Un départ un peu précipité pour la montagne, seule avec les kids… Besoin de fuir ce monde trop bizarre, de les protéger de toutes ces nouvelles terrifiantes que nous entendons, de nous rapprocher de la nature et de vivre leur quotidien insouciant d’enfants de 8, 6 et 3 ans. Séjour salutaire suivi d’un second round après Pâques, consciente de cette chance que nous avons eue, de pouvoir cicatriser dans les hauteurs.
- Un zoompéro mémorable avec les copains, entamé à 18h, terminé à minuit dans l’allégresse générale, avec des enfants ravis d’avoir pu veiller si tard.
- Des lectures d’histoires par Skype, des visites des deux grands-mamans à travers la vitre de la coursive, fenêtre entrebâillée, juste pour s’entendre, se voir et se dire quelques petits mots gentils… Des petits paquets déposés sur les paliers, le nôtre et ceux de la génération d’au-dessus, des tresses, des biscuits, des gâteaux, des livres, des puzzles…
- Les moments sur le toit-terrasse de la coopérative, des « récréations » à y jouer à la marelle, des pique-niques improvisés le soir, des couchers de soleil derrière le Jura, quelques chips englouties et plusieurs bouteilles descendues…
- Quelques moments de tension, liés à la multiplication des envies, des personnes présentes en même temps dans l’appartement, à notre difficulté d’adulte de vivre des journées d’enfant sans pression, juste dans la saveur de l’instant présent.
- Les apéros au balcon du samedi soir, au son de Couleur3 et des sets de DJs romand.e.s. Et les apéros du dimanche, du lundi, du mardi… du mercredi, du jeudi et du vendredi aussi… Des moments de convivialité pure avec les enfants, fin de plusieurs journées parallèles qui se sont déroulées dans le même espace et douce transition vers une soirée commune…
- Quelques rares échappées au bureau, quelques salutaires virées pour aller nous ravitailler ici ou là, sentir l’air frais sur mon vélo, voir les rues vides et rêver à une terrasse estivale… J’ai retrouvé ce sentiment de liberté coupable que je pouvais avoir lorsque je laissais les enfants tout petits, au début, juste pour m’échapper quelques minutes/heures sans bébé dans les bras…
- Des échanges précieux avec les ami.e.s proches, quelques coups de fil, des messages vocaux, des conversations décousues sur WhatsApp… merci du fond du coeur ❤
- Quelques challenges rigolos (juste au début, car tout le monde s’est lassé au bout d’un moment)… quelques vidéos mémorables à chanter J’irai où tu iras une spatule à la main, une pièce de théâtre montée avec les enfants et leurs idées de décors génialement farfelus!
- L’écoute du carillon le vendredi à 20h30, suivi des cloches solidaires… Parfois quelques applaudissements. Une vraie pensée pour différentes personnes à 21h, mais peu d’effusions au balcon, finalement.
- Les bons petits plats au quotidien, les légumes de printemps tant attendus qui arrivent et dont je me suis régalée. Asperges, ail des ours, fenouils, cotes de bette… quel plaisir. Nous avons fait plusieurs expériences et découvertes culinaires, essayé de nombreuses recettes de pain tessinois, focaccia, baguette, tresse, brioche, pain à fondue, et j’en passe…
- Des dizaines de vocals WhatsApp avec mon associé qui a pris si formidablement le relais tout au long de cette période, des client.e.s supers compréhensifs.ives, quelques sueurs froides de voir le travail s’accumuler mais des moments efficaces à l’aube, pendant la journée ou le soir tard pour essayer de courir un peu après…
- Un passage à l’heure d’été tant aimée, lueur d’espoir et promesse de belles soirées ensoleillées!
- Le passage du test en sérologie pour participer à l’étude genevoise, première fois que nous mettions des masques tous les cinq, est-ce que la situation va perdurer?
- Des lectures innombrables, notamment du côté des enfants. Maude s’est enfilé tous les albums de Tintin en quelques jours, un nombre incalculable de Max&Lili et quelques Club des cinq. Adrien leur a fait la lecture du premier tome d’Harry Potter et j’ai avancé dans la lecture du feuilleton d’Ulysse… en prenant soin de ne pas lire trop vite, pour ne pas arriver trop rapidement à la fin…
- La chambre de Maude chamboulée, triée, réaménagée… L’impression de gagner beaucoup de place et de déménager chez nous. Beaucoup de tri, de rangement, les habits d’été n’attendent que les beaux jours et les chaussures de la taille au-dessus sont prêtes à être enfilées.
- Une visite surprise chez le dentiste pour quelques dents déplacées…apparemment le grand frère a la tête dure quand on se cogne dessus!
- La délicate impression que cette année, le printemps est plus doux, plus vert clair, plus intense que d’habitude… Que les fleurs sont plus belles à regarder… Nous les avons appréciées plus intensément, les fleurs de printemps, et Maude a commencé un joli herbier qu’elle montrera à sa classe. Nous avons fait des expériences rigolotes avec les noyaux d’avocat, les noyaux de mangue… planté une glycine et une vigne vierge en se demandant si nous aurons le temps de les arroser, après…
- Un premier lundi d’école à la maison, où j’ai enchaîné sport et yoga avec les enfants, devoirs, boulot, repas, séance de gym à 16h et vie de wonderwoman le soir, pour finalement m’écrouler et décider qu’on ne referait plus jamais comme ça et qu’on ne s’obligerait à pas grand chose pendant cette période.
- La première saison de Baron Noir, dont la suite a été remise à plus tard pour entamer en famille, avec des enfants qui se couchent plus tard, les aventures de Tintin en dessins animés, jolis souvenirs à partager avec eux, maintenant.
- L’abandon assez simple et spontanée du nuggi-tétine pour Marius, une étape si simple qui paraissait inenvisageable encore quelques jours auparavant. Et avec cela, des nuits dans son lit quasi systématiquement… #croisonslesdoigtspourqueçadure
- De jolies bouquets livrés par la petite fleuriste, quelques objets chéris de chez Nath&Jul, le café torréfié chez Horace en bas de chez nous pour démarrer le matin… tant de produits délicats appréciés encore plus que d’habitude…
- Une « playlist » MétéoZik en story sur Instagram: une chanson par jour sur une photo en fin de journée depuis la coursive.
- L’écoute quotidienne de Brouhaha, sur la RTS, l’envoi de messages vocaux par WhatsApp pour participer à l’émission du lendemain… Plaisir d’écouter la radio, de partager « à distance » avec d’autres enfants, de
- Plusieurs puzzles entamés, terminés, recommencés, et reterminés…
- La vie au ralenti qui passe à toute vitesse, un mantra répété plusieurs fois par jour dans ma tête.
La reprise se fera « Aussi vite que possible, aussi lentement que nécessaire », bien évidemment. Mais on pourrait aussi dire que cette période, c’était comme la marée: parfois il y a eu de petites vagues, parfois il y a eu de grosses vagues, mais à la fin, la plage est toujours au même endroit!… Espérons quand même que quelques galets aient pu changer de place et que nous réussirons à garder quelques chouettes habitudes. En ne gardant que le meilleur, évidemment…
Continuez à prendre soin de vous et de vos proches!
Louise